L’amendement Accoyer comme Leurre Mal Dissimulant

 (réforme Licence Master Doctorat)

 

 

 

 

La rédaction de l’amendement Accoyer a pris les psychologues de court, et les a plongés dans une profonde ambivalence. Comment pouvait il en être autrement puisque du côté de la forme, le député Accoyer n’a pas légiféré sur le titre de psychothérapeute, mais « réservé » la pratique de la psychothérapie aux médecins et aux psychologues, ce qui leur est plutôt agréable, et que, du côté du fond, il a défini , classifié, et instrumentalisé, ce qui leur est plutôt désagréable….

 

Pendant que la bataille autour de l’amendement Accoyer fait rage, que les passions se déchaînent, tant du côté des professionnels se supposant « promus » comme aptes à pratiquer des psychothérapies, que du côté des « laissés pour compte » (associations, écoles, et syndicats de psychothérapeutes), la réforme des études universitaires avance à grand pas, et de profondes et graves mutations se préparent pour la formation des psychologues ; on se préoccupe de l’amendement Accoyer et on a raison, mais on ne perçoit pas que les graves questions posées par la réforme LMD ont déjà biaisé le débat :

 

·         Le Master, même s’il dure 5années devient un DESS au rabais, d’un niveau à peine plus élevé que celui de la maîtrise actuelle ; il oriente les étudiants vers un choix trop précoce entre clinique et recherche (Master 1 et 2).

·         Le niveau Licence est annoncé comme une « chance » pour les étudiants de sortir d’un premier cycle avec un diplôme qui qualifiera probablement à une sous pratique « psychologique » relevant d’ « attitudes psychothérapiques » (cf Pichot Allilaire) et s ‘appuyant sur un ensemble de techniques : questionnaires, grilles d’évaluation, protocoles comportementaux, tests à visée uniquement psychométrique, techniques de rééducation etc… Nous pensons qu’il s’agira de former des « aides psychologues » ou de donner accès aux techniques évoquées plus haut, à des professionnels de santé non psychologues (cf rapport Piel Roelandt et évolution des métiers en santé mentale où l’on a évoqué la possibilité que les études de psychologie constituent un tronc commun pour les études d’infirmier, de médecin, d’éducateur etc…).

 

Allons plus loin :

 

1°) L’amendement Accoyer paraît vague et donc ouvert à beaucoup d’aléas quant à la définition des qualifications exigibles pour pratiquer les psychothérapies, pourvu que l’on soit médecin ou psychologue.

Dans le rapport, Pichot Allilaire, les psychologues dits « cliniciens », promus, parmi les autres psychologues,  comme compétents pour assurer des psychothérapies, sont néanmoins considérés, comme des sous traitants parce qu’ils « ne disposent pas  de tous les moyens thérapeutiques » (chimiothérapiques et psychothérapiques),

 

Les psychologues dits « cliniciens » (Pichot Allilaire) ou « praticiens » (Berland) se verront donc très certainement clivés de leurs pairs , et bien probablement aussi de leurs origines (les sciences humaines qui se muteront en sciences « médicales » ou « paramédicales »).

 

2°) La réforme LMD prévoyant l’équivalence du titre de psychologue au niveau Master 2 ( il suffit pour cela de réécrire un décret d’application et nous avons entendu dire que c’est prévu voire déjà écrit ...),  certains seront bien aises d’affirmer ensuite que, outre le diplôme, il faut  bien une spécialisation pour pratiquer les psychothérapies… le raisonnement est imparable, qui pourra dire le contraire ?

 

 

….A moins que l’ensemble des psychologues ne se décident à se battre :

 

-          pour maintenir l’unité de leur discipline et son maintien dans les sciences humaines

-           pour que leur formation s’adapte aux besoins actuels en se perfectionnant et en s’élevant à un plus haut niveau, tout comme d’autres métiers qui ont répondu à la complexification des tâches dans notre société diversifiée.

 

Au cours de leurs études, les futurs psychologues parviennent à articuler une formation universitaire et une préparation personnelle à leur formation de psychothérapeute, au prix de difficultés financières pour beaucoup d’entre eux et d’une grande dépense d’énergie psychique aussi pour tous.

 

Il est temps que les psychologues se battent pour que leurs études leur donnent les moyens de cette double formation.

Le doctorat en psychologie doit cesser d’être uniquement un enseignement théorique. Il ne doit plus déboucher essentiellement sur une carrière universitaire. Il doit devenir un cycle professionnalisant, préparant au métier de psychologue dans sa double dimension, pratique et théorique.

 

Dans cette hypothèse :

 

 

 

Si les psychologues ne souhaitent pas voir leur titre ravalé au rang du Master, il leur faudra alors :

-          soit, obtenir par exception à la réglementation européenne, une sixième année de troisième cycle (cf projet de diplôme européen de psychologie) pour avoir accès au titre de psychologue.

-          soit envisager de différer l’accès au titre à l’obtention du doctorat, après une période de stages en responsabilité professionnelle, avec accompagnement et supervision de leurs aînés (si cette hypothèse était retenue, les psychologues exerceraient de manière rémunérée, deux ou trois années dans le secteur public, ou le semi privé - par exemple les réseaux ville hôpital -  avant l’obtention du titre qui leur permettrait d’exercer partout ailleurs…).

 

Il s’agirait ainsi pour les psychologues, de montrer leur détermination à faire appliquer l’esprit de la loi de 85, (« formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle ») en faisant modifier le décret d’application d’une manière qui soit réellement adaptée aux évolutions actuelles, c’est à dire en « tirant la profession vers le haut ».

 

A l’heure des restrictions budgétaires, à l’université et dans les lieux de soins, ces propositions peuvent sembler trop exigeantes pour certains, utopiques pour d’autres. Pourtant, sans grandes ambitions, les psychologues qui se sont battus en leur temps, n’auraient jamais obtenu le vote de la loi de 85.

 

 

Le Conseil d’Administration de l’Association PSYCLIHOS

(Psychologues cliniciens hospitaliers)

 

psyclihos@wanadoo.fr