Psychologue gérontologue

La fonction de psychologue ne se résume pas à être psychologue. Elle réside dans le fait que le psychologue est un être en devenir. Et devenir, c?est également venir de. Ainsi, est posée la question de nos origines. À la base de tout choix, il y a existence d?un conflit propre à chacun. Benjamin Jacobi et Claude Miollan (1989) renforcent cette pensée en soulignant que « les premiers pas du clinicien s?effectuent à partir de la reconnaissance en soi et pour soi d?une expérience tragique ». Le choix de cette profession est donc étroitement lié à notre histoire personnelle, un vécu (métabolisé de manière psychique ou non) qui fait écho et par là -même a motivé notre choix. La durée des études universitaires en psychologie (cinq ans en moyenne) nous permet de prendre un temps qui est nécessaire à notre construction. Le temps de nous découvrir, de nous perdre pour nous redécouvrir ensuite. Car, comprendre les autres n?est pas un acte altruiste. C?est la raison pour laquelle je pense que c?est d?abord dans un à se comprendre soi que le devenir psychologique s?origine. Ainsi, de par ma généalogie, ma culture, mon histoire familiale et personnelle j?ai choisi de devenir psychologue gérontologue. Je ne peux donc offrir à l?autre que ce que je suis. La représentation et l?approche de la vieillesse ont changé et s?est mis en place un nouveau phénomène : le placement du sujet âgé en institution. Ainsi, la famille ne remplit plus son « devoir familial » et ne peut rembourser la dette symbolique contractée auprès de ses parents. La personne âgée se voit contrainte d?obéir à de nouvelles règles sociales plus ou moins explicites. Le personnel soignant se voit confier l?impossible mission de soigner un corps malade dont l?issue sera fatale. Le placement en institution est vécu par la personne âgée comme un lieu de transit « en attendant la mort ». Ce placement généralement fait dans l?urgence n?est presque jamais préparé. La personne âgée qui entre en maison de retraite n?est connue que par son dossier médical et devient rapidement et uniquement un objet de soin. Sa vie étant rythmée par les soins, les repas?, son rapport au temps se modifie. La perte d?autonomie engendrée par un personnel qui « fait à la place » devient alors inévitable. Travailler avec des personnes âgées entraîne des angoisses de la part du personnel soignant. Cette souffrance engendrée par des identifications projectives est rarement évoquée de même que la mort des patients : Il n?existe aucun temps pour l?élaboration psychique. Pour les soignants, la fonction du psychologue gérontologue est légitime en institution. Mais son rôle auprès de la famille n?est absolument pas évoqué. Cette dernière semble être tenue à l?écart de la vie institutionnelle. Je pense toutefois qu?il est essentiel pour le psychologue gérontologue de travailler selon trois axes : la personne âgée, le personnel soignant et la famille et ainsi de devenir le chaînon manquant permettant d?articuler ces trois systèmes. La maison de retraite dont sont issus ces constats est passée depuis juin 2001 à la réforme tripartite . J?ai donc souhaité proposer un projet afin de légitimer la fonction du psychologue gérontologue en institution. Dans ce projet, l?action du psychologue devait se situer auprès de la personne âgée (mise en place de groupes de parole, d?entretiens cliniques et de soutien psychologique), auprès du personnel soignant (mise en place de groupes de parole, de formations, de réunions de suivi et de réunions de coordination), et auprès de la famille (mise en place d?un accueil personnalisé, de réunions d?information et d?un soutien psychologique). Certes, la représentation et l?approche de la vieillesse ont changé et les maisons de retraite sont de plus en plus nombreuses. Cependant, bien que la plupart des institutions semblent vouloir évoluer pour un certain bien-être de la personne âgée placée, il est courant de constater que d?autres ne se privent pas de voir, dans l?hébergement de la personne âgée, un aspect uniquement financier. L?institution dont je parle ne m?a pas semblé prête à accueillir un psychologue et ce, pour différentes raisons. Tout d?abord, parce qu?aucun temps pour la réflexion n?est accordé au personnel. Les réunions de coordination auxquelles j?ai assisté ne s?y prêtent pas. J?ai essayé de mettre en place un groupe de parole pour le personnel, mais celui-ci a eu lieu le soir après le travail. Cette expérience n?a été renouvelée qu?une fois, car comme me l?a expliqué une aide-soignante « - Après douze heures de travail, on n?a qu?une envie : rentrer chez soi, manger et dormir ». Quant à les faire revenir le jour de leur repos, il n?en était pas question : l?impossibilité était du même ordre. Dans un deuxième temps, j?ai vu l?intérêt de mettre en place un groupe de parole pour les familles. Le directeur m?a demandé de lui donner la liste des personnes intéressées. Il m?a alors fortement conseillé (conseil qui ressemblait plutôt à un ordre) de ne pas prendre certaines familles car, m?a-t-il dit « - Elles sont trop négatives. Elles vont passer leur temps à critiquer l?institution ». Bien que lui ayant déjà expliqué en quoi consistait un groupe de parole, il semble être resté sur ses propres représentations. Dans un troisième temps, j?ai pu constater que le personnel était en mouvance permanente. La direction n?a pas semblé pas vouloir entendre qu?il existait de réels problèmes entraînant un « burn-out ». Une fois seulement, le directeur a soulevé ce phénomène et m?a demandé ce que je pensais de l?ambiance dans les équipes. Lorsque j?ai pointé du doigt qu?il semblait régner certaines tensions, il m?a répondu « - Vous, les psychologues, de toute façon vous voyez des problèmes là où il n?y en a pas ». Le personnel soignant n?est donc pas reconnu en tant que « personne souffrante ». La convention tripartite signée entre les directeurs d?établissement, le conseil général et le préfet me semble être une évolution dans la prise de conscience des problèmes qui règnent dans certains établissements pour personnes âgées. Cependant, cette réforme-qualité ne semble pas prendre en compte les réelles motivations de certains directeurs de maison de retraite. La maison de retraite dont je parle a inclus un psychologue dans son projet de vie en vue de venir en aide aux familles et aux personnes âgées. Nulle part il n?est question de venir en aide au personnel soignant. Dans ces conditions, comment un psychologue peut-il travailler en pluridisciplinarité ? Mon projet a donc été refusé et je n?ai eu d?autre choix que de partir. J?espère que cet écrit vous permettra d?y voir plus clair sur la fonction du psychologue gérontologue. Toutefois, je reste persuadée que chaque psychologue a une définition de son métier qui lui est propre et singulière. Pour Psychologue.fr , Catherine ALEXANDRE



Cet article provient de Psychologue.fr
http://www.psychologue.fr/