P>ABOUT Emilie

DESS de Psychologie de l’enfance et de l’adolescence

Université René Descartes-Paris V

Institut de Psychologie, Centre Henri Piéron



LES ADOLESCENTS DÉFICIENTS INTELLECTUELS ET LES APPRENTISSAGES SCOLAIRES



Réalisé sous la direction de Monsieur B. DOUET

Année 2003/2004

INTRODUCTION


L’équipe pluridisciplinaire de l’Institut Médico-Professionnel m’accueillant en stage propose des apprentissages à des adolescents déficients intellectuels. L’institution et en particulier les enseignants spécialisés ont soulevé des questionnements autour de l’expression des difficultés psychologiques et psychiques lors des apprentissages scolaires. Nous avons choisi de nous intéresser à ces apprentissages dans ce travail de recherche, dans la mesure où ces adolescents y rencontrent nécessairement des difficultés de par la nature même de leur handicap et que des facteurs psychiques et psychologiques, liés à leur histoire personnelle par exemple, peuvent intervenir et augmenter leurs difficultés, leur souffrance dans ce domaine. Nous pouvons nous interroger, par exemple, sur la façon dont ces adolescents investissent ces apprentissages, sur leurs ressentis face à leurs difficultés, sur le sens que l’on peut donner à leurs échecs ou sur la signification qu’ils donnent à l’acquisition des connaissances.

Le travail thérapeutique dans cette institution s’appuie principalement sur la prise en compte des symptômes apparaissant quotidiennement, perçus et ressentis par les professionnels de l’établissement. Afin de nous inscrire dans cette pratique institutionnelle, il nous a semblé intéressant de chercher à repérer ce qui pourraient être compris comme un symptôme lors des apprentissages scolaires, pour ensuite aider l’équipe éducative à prendre en compte les processus inconscients ou préconscients venant rendre difficiles les acquisitions scolaires.

Ainsi, nous cherchons à repérer quels processus psychologiques et psychiques sont mis en jeu dans la situation scolaire en nous appuyant sur une approche psychanalytique. Comme le souligne Misès et Perron (p 143, 1983) à propos du fonctionnement déficitaire, il ne faut exclure ni les éventuelles atteintes ou anomalies organiques, ni les facteurs sociaux, ni les identifications parentales ; il faut s’interroger à la fois sur l’histoire des évènements et la structuration du psychisme.

Nous présenterons dans une première partie théorique les travaux existants concernant la scolarité des adolescents déficients, dans une démarche plutôt descriptive, puis ceux concernant la situation scolaire d’un point de vue psychanalytique, qui pourraient d’éclairer les mécanismes psychiques mis en jeu dans cette situation, dans une démarche plutôt explicative ; dans un deuxième temps, nous verrons la méthodologie utilisée et enfin nous exposerons et discuterons nos résultats.

I. ÉLÉMENTS THÉORIQUES


A. DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET SITUATION SCOLAIRE


1. La déficience intellectuelle : définition et bref historique

La déficience intellectuelle a d’abord été perçue comme étant infligée par Dieu à cause de fautes commises ; elle a suscité pendant longtemps des attitudes de rejet ou de protection dont l’origine était la crainte et provoquait souvent un certain malaise. À la fin du moyen âge, les individus atteints de déficiences étaient placés dans des hôpitaux généraux (ou « asiles ») où de nombreuses autres pathologies étaient retrouvées. Après avoir été qualifiés de « faibles d’esprit », d’« anormaux de la raison », le terme de « débilité » est utilisé au XIXième siècle dans le milieu psychiatrique ; les causes des déficiences sont alors considérées comme uniquement organiques. Esquirol établit, à cette époque, une classification des arriérations mentales en se basant sur des critères tels que la dysmorphie, l’état du langage, le déficit de jugement, l’incapacité mnésique ou le manque de volonté. C’est ensuite avec l’obligation scolaire que la déficience intellectuelle est associée à l’insuffisance de moyens intellectuels responsable de l’échec scolaire. Binet, en 1904, met en place une mesure scientifique de l’intelligence (Quotient Intellectuel). Les explications données concernant les anomalies de fonctionnement psychique sont encore liées au corps ; l’origine est organique et irréversible. Selon Zazzo (1966), la déficience mentale est une insuffisance intellectuelle d’origine biologique, hérédité ou accident précoce, et donc irréversible, compatible avec l’acquisition scolaire de base, mais ne permettant pas d’atteindre un minimum intellectuel exigé par l’école.

Ensuite, avec les travaux de Freud et Spitz, il apparaît que les insuffisances intellectuelles peuvent être causées par l’hospitalisme ou des carences maternelles. Ainsi, les origines peuvent être psychologiques (carences relationnelles, échec dans la construction des premières relations objectales,…) sans déterminant biologique primaire. Aujourd’hui, l’étiologie de la déficience mentale est multiple, elle peut être l’expression d’une hérédité, d’un trouble consécutif a une atteinte accidentelle de l’organisme, la conséquence de carences affectives ou éducatives, ou la conséquence de troubles relationnels. Dans la perspective psychanalytique, Misès et Perron, qui se sont intéressés à la personnalité des individus déficients intellectuels, expliquent que « s’il existe des dysfonctionnements précoces d’ordre neurologique, ils influencent nécessairement l’évolution pulsionnelle, l’accès à l’individuation, l’élaboration des fonctions symboliques, etc. » (p. 144, 1983). Le jeune déficient intellectuel est aujourd’hui perçu comme un adolescent qui a besoin de mesures médicales, sociales, psychologiques et pédagogiques spécialisées pour s’intégrer dans la société. Différentes classifications de la déficience intellectuelle existent, selon celle française, on différencie :

- l’arriération profonde (QI<30) : les capacités motrices sont rudimentaires et le langage fait défaut ;

- la déficience profonde (30<QI<50) : le langage reste rudimentaire, les modes de raisonnement sont empiriques, le comportement est dominé par l’immaturité affective, l’insécurité, l’insuffisance du contrôle émotionnel, l’autonomie sociale est difficile mais les apprentissages simples sont réalisables ;

- la déficience moyenne (50<QI<65) : le déficit est compatible avec une certaine autonomie mais qui n’atteint pas la pleine responsabilité des conduites, l’attention est fatigable et l’affectivité sommaire, souvent on observe une incapacité de maîtriser les pulsions et de prévoir les conséquences des actes ; le stade concret est atteint à la fin de l’adolescence ;

- la déficience légère (65<QI<80) : elle entraîne surtout une inadaptation à la scolarité normale, l’accès à une vie autonome avec une insertion professionnelle d’un niveau modeste est possible.

Il faut préciser qu’aujourd’hui, d’autres terminologies existent, Gibello (médecin, psychologue et psychanalyste) parle de retards d’organisation du raisonnement et de dysharmonies cognitives pathologiques, qui ont pour conséquence de « perturber gravement les relations de l’enfant avec la réalité physique du monde extérieur, avec sa réalité psychique et avec le monde social » et qui entraînent de graves difficultés d’apprentissages scolaires (p. 91, 1984). Cet auteur précise qu’il s’agit principalement d’un défaut d’achèvement des contenants psychiques normalement utilisés pour l’acquisition des connaissances, qui sont envahis par « les contenants fantasmatiques qui ne sont pas limités comme ils le sont normalement par la mise en jeu du principe de réalité et les fonctions de jugements » (p. 91, 1984).

Enfin, l’inhibition intellectuelle, terme davantage utilisé dans les travaux psychanalytiques, est définie comme étant un arrêt de la pensée, du déroulement des associations et des mécanismes cognitifs ; il s’agit d’un blocage des mécanismes cognitifs (p. 220, Cordié, 1998).

2. Une situation d’infériorité et de souffrance chez les enfants déficients intellectuels

Les difficultés des enfants déficients intellectuels vont se manifester notamment dans la situation scolaire où ils sont confrontés à des exigences auxquelles ils ne peuvent pas toujours répondre (acquisitions nouvelles, mémorisation,…). Différentes caractéristiques sont souvent observées, telles une fixité dans le raisonnement, une absence de souplesse, une difficulté à apprécier les limites à respecter, des troubles identificatoires et donc une méconnaissance de l’autre, un mauvais enchaînement des idées, une absence de logique et de rigueur dans le raisonnement, une expression pauvre et répétitive et un certain immobilisme (p. 195, Cordié, 1993). Ainsi, ces enfants se trouvent rapidement en situation d’échec, qui peut se transformer en situation d’infériorité, et s’ils continuent leur scolarité en milieu ordinaire, peut renforcer leurs inhibitions et leur lenteur du développement (p. 122, Parent et Gonnet1, 1965). Cette infériorité peut également inciter l’entourage à des attitudes d’abandon et perturber les relations sociales de ces enfants. Leur non appartenance au groupe est parfois accentuée par des jugements implicites ou explicites de l’enseignant ou des camarades et par leur échec dans les tâches scolaires (p. 123, Parent et Gonnet, 1965).

La situation scolaire peut être à l’origine de souffrance, décrite par Perron à propos d’enfants de classes de perfectionnement, comme « des sentiments d’impuissance, d’infériorité, de culpabilité, liés au désir d’être reconnu et aimé quand même, malgré l’échec » (p. 90, 1991). On trouve également parfois chez ces élèves de l’anxiété, une dévalorisation de soi et du découragement (p. 122, Perron, 1991). Face à ces ressentis négatifs, différents comportements peuvent être mis en place. D’après les travaux d’Adler (1948), Claparède (1912, in Parent et Gonnet, 1965) propose une classification des comportements psychologiques réactionnels à l’infériorité, que reprend ensuite Perron (p. 402, 1960). Selon celle-ci, face aux difficultés scolaires, l’enfant déficient intellectuel peut :

- chercher à dissimuler son infériorité de façon maladroite et dérisoire par l’entêtement, la négation de l’échec ou l’affirmation de la réussite.

- fuir les situations génératrices d’échecs, qui engendrent l’instabilité ou l’hyperémotivité, par des mensonges et des fabulations.

BIBLIOGRAPHIE


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Misès R., Perron R., Débilité mentale et échec scolaire, Confrontations psychiatriques n°23, 1983


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Rault A., Échecs et difficultés scolaires, Paris : Presses Universitaires de France, 1987


Ringler M., L’enfant déficient : en 40 questions, Paris : Dunod, 2000


1 Directrice du centre national de pédagogie spéciale et Inspecteur de l’enseignement primaire, s’adressant aux parents et éducateurs

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