Quand on est en plein dans une dépression sévère, une question revient en boucle : “Combien de temps ça va durer ?”. Les grandes études sur les épisodes dépressifs caractérisés montrent qu’un épisode de dépression sévère dure en moyenne entre 6 et 12 mois selon l’Inserm (Inserm), et la Haute Autorité de Santé parle d’une évolution “vers la guérison en quelques mois (environ 6 mois en moyenne)”.
Mais dans la réalité, surtout pour une dépression sévère, la durée dépend énormément de 3 choses : la sévérité au départ, la rapidité d’accès au traitement et la continuité de ce traitement.
Quelle est la durée moyenne réelle d’un épisode dépressif sévère avec et sans traitement ?
En pratique clinique comme dans les études, on observe ceci :
Sans traitement (ni médicament, ni suivi psychothérapeutique), un épisode dépressif sévère dure en moyenne 6 à 12 mois, parfois plusieurs années. Le MSD Manuals indique que, sans prise en charge, la dépression “peut durer 6 mois ou plus”.
Avec un traitement adapté (médicament + psychothérapie), on voit souvent :
- les symptômes les plus aigus commencer à diminuer en 4 à 8 semaines,
- une nette amélioration en 3 à 6 mois,
- puis un travail de consolidation sur 6 à 12 mois pour réduire le risque de rechute.
Tableau récapitulatif : durée moyenne d’un épisode dépressif sévère
| Situation | Durée moyenne de l’épisode | Repères issus des données |
|---|---|---|
| Épisode dépressif caractérisé (tous niveaux) | 6–8 mois | Inserm : “un épisode dépressif dure en moyenne 6 à 8 mois” |
| Évolution spontanée (sans traitement structuré) | Environ 6 mois, souvent plus | HAS : “évolution vers la guérison en quelques mois (6 mois en moyenne)” |
| Sans aucun traitement dans une forme sévère | 6–12 mois, parfois années | NHS : la dépression peut “durer des mois ou des années” dans les formes sévères (NHS.UK) |
| Avec traitement adapté (dépression sévère) | Amélioration notable en 3–6 mois, stabilisation 6–12 mois | Données convergentes des recommandations internationales (HAS, NICE, APA) |
| Rémission dans les études longitudinales | Médiane 3 mois, 76 % rétablis à 12 mois | Étude clinique : 50 % des patients rétablis en 3 mois, 63 % en 6 mois, 76 % en 12 mois (Pubmed) |
Autrement dit : non, une dépression sévère ne dure pas “toujours”, mais elle ne disparaît pas non plus en deux semaines. Et le fait de traiter tôt raccourcit clairement la durée de la souffrance.
Dépression sévère : de quoi parle-t-on exactement ?
On appelle “dépression sévère” un épisode dépressif où les symptômes sont nombreux, intenses, et retentissent fortement sur la vie quotidienne : travail impossible, isolement massif, pensées suicidaires, incapacité à faire les gestes simples du quotidien.
Ce n’est pas “être triste très fort”. C’est un trouble de santé mentale reconnu par les classifications internationales (CIM-11, DSM-5). L’Organisation mondiale de la Santé rappelle qu’un épisode dépressif correspond à un état de tristesse, de perte d’intérêt ou de plaisir, presque tous les jours, pendant au moins deux semaines, avec un impact important sur le fonctionnement.
La différence entre coup de blues, dépression modérée et dépression sévère
Vous pouvez vous sentir mal depuis quelques jours sans être en dépression sévère. Trois niveaux sont importants :
Coup de blues / tristesse réactionnelle
- Survient après un événement (rupture, conflit, fatigue intense).
- Fluctue au cours de la journée.
- Vous arrivez encore à éprouver un peu de plaisir, à être distrait.
- Ne dure généralement pas plusieurs semaines à la même intensité.
Épisode dépressif léger à modéré
- Humeur dépressive présente presque tous les jours.
- Fatigue, troubles du sommeil, perte d’intérêt, mais capacités de fonctionnement encore présentes (même si tout est plus lourd).
- Risque de chronicisation si on “serre les dents” sans aide.
Épisode dépressif sévère
- Quasi impossibilité de fonctionner : se doucher, répondre à un message, aller au travail deviennent des montagnes.
- Pensées de mort, parfois idées suicidaires structurées.
- Culpabilité écrasante, sentiment de nullité ou d’inutilité.
- Ralentissement psychomoteur ou agitation marquée.
Dans la forme sévère, on n’est plus sur un simple “baisse de moral”. Le cerveau, les émotions et le corps sont affectés et en état de crise.
Focus sur la dépression réactionnelle : quand un événement déclenche la dépression
Toutes les dépressions sévères ne s’installent pas de la même manière. La dépression réactionnelle apparaît en réaction directe à un événement de vie difficile : deuil, séparation, licenciement, choc émotionnel, maladie, surcharge prolongée.
Contrairement à d’autres formes de dépression, elle est étroitement liée à un facteur déclencheur identifiable, même si ses symptômes peuvent devenir tout aussi intenses et durables lorsqu’elle n’est pas repérée à temps.
Le point clé : ce n’est pas l’événement en lui-même qui définit la gravité, mais la façon dont la personne s’enferme progressivement dans des symptômes dépressifs.
Pour mieux comprendre comment reconnaître une dépression réactionnelle, notamment les signes psychologiques, émotionnels et comportementaux à surveiller, consultez notre article dédié :
Les signes de la dépression réactionnelle
Les critères de durée pour poser le diagnostic (et éviter l’autodiagnostic)
Les critères internationaux (DSM-5, CIM-11, NIMH, APA) insistent sur deux choses :
- Durée : les symptômes doivent durer au moins 2 semaines de façon quasi-quotidienne. Le NIMH et l’American Psychiatric Association rappellent que cette durée minimale est nécessaire pour parler de dépression.
- Retentissement : il doit y avoir une altération nette de la vie personnelle, sociale, familiale, professionnelle. L’ICD-11 précise que les symptômes doivent entraîner une “détresse significative ou une altération du fonctionnement” pendant au moins plusieurs semaines.
L’autodiagnostic est piégeux : vous pouvez sous-estimer la gravité… ou l’exagérer par peur. Un professionnel (médecin généraliste, psychiatre ou psychologue) s’appuie sur :
- la durée exacte des symptômes,
- leur nombre et leur intensité,
- l’impact sur votre vie concrète,
- vos antécédents et votre contexte (deuil, burn-out, maladie, etc.).
C’est cette évaluation qui permet de parler de “dépression sévère” et de choisir le bon niveau de traitement (suivi ambulatoire, arrêt de travail, voire hospitalisation si nécessaire).
Combien de temps dure une dépression sévère en moyenne ?
Les chiffres globaux (6–8 mois en moyenne) masquent une réalité : certaines personnes vont mieux en quelques mois, d’autres restent coincées des années. Ce n’est pas une question de “volonté” mais de combinaison de facteurs : génétiques, biologiques, psychologiques, sociaux, qualité du traitement.
L’étude citée dans PubMed montre par exemple que la durée médiane d’un épisode dépressif majeur (toutes sévérités confondues) est de 3 mois, avec 50 % de rémissions à 3 mois, 63 % à 6 mois et 76 % à 12 mois. Mais ces chiffres supposent généralement un minimum de soins.
Sans aucun traitement : ce que disent les chiffres (6 à 12 mois et plus)
Sans traitement, une dépression sévère a tendance à :
- durer plus longtemps,
- laisser plus de séquelles (perte de confiance, isolement, rupture, difficultés professionnelles),
- augmenter le risque de récidive ultérieure.
Les données convergent :
- La HAS indique que l’évolution spontanée d’un épisode dépressif caractérisé “se fait vers la guérison en quelques mois (6 mois en moyenne)”.
- Le MSD Manuals souligne que, sans traitement, la dépression peut durer 6 mois ou plus.
- Le NHS rappelle qu’elle peut être “légère et durer quelques semaines, ou sévère et durer des mois ou des années”.
Concrètement, pour une dépression sévère non traitée, voir une durée de 9 à 18 mois n’a rien d’exceptionnel. Ce n’est pas une fatalité, c’est surtout le reflet d’un manque de prise en charge ou d’un isolement important.
Avec traitement adapté : phases et durée typique jusqu’à la vraie amélioration
Quand le traitement est adapté (antidépresseur si indiqué + psychothérapie, surtout TCC) et suffisamment suivi, la trajectoire est différente :
- 4–8 premières semaines : début du traitement, parfois aggravation transitoire de l’anxiété ou du sommeil, puis premiers signes de diminution de l’intensité des symptômes.
- 3–6 mois : amélioration significative de l’humeur, du fonctionnement quotidien, reprise progressive des activités (avec des hauts et des bas).
- 6–12 mois : phase de consolidation, poursuite des séances de TCC ou d’une autre psychothérapie, travail sur les causes et les facteurs de rechute.
L’American Psychological Association rappelle qu’il n’y a pas de “timeline” universelle, mais ce profil correspond à ce qu’on observe le plus souvent dans les dépressions sévères correctement prises en charge.
Les 3 grandes phases de la dépression sévère (et de la guérison)
Penser en “phases” aide à deux choses : arrêter de croire qu’on n’avance pas parce qu’on ne va pas “bien”, et adapter ce que vous vous demandez à vous-même
Voici les différentes phases de la dépression :
- Phase aiguë : le cerveau et le corps sont en mode survie.
- Phase de consolidation : on va mieux, mais on est encore très fragile.
- Phase de rétablissement : on reconstruit une vie qui tient, pour ne pas replonger au premier choc.
Phase aiguë : quand tout est lourd et que tenir la journée est déjà un exploit
Dans cette phase, typiquement les premières semaines à quelques mois :
- Le simple fait de se lever, se laver, manger est épuisant.
- Les pensées sont très sombres : inutilité, culpabilité, idées de mort.
- La concentration est quasi nulle, le cerveau “rame”.
- L’anxiété ou un vide intérieur massif sont fréquents.
Objectifs réalistes dans cette phase :
- Tenir en sécurité : parler du risque suicidaire, envisager une hospitalisation si nécessaire, mettre un plan de crise en place.
- Lancer le traitement : consultation médicale, décision sur les antidépresseurs, première séance de psychothérapie si possible.
- Réduire les exigences : ne pas viser “retrouver sa vie d’avant”, mais survivre jour après jour.
Phase de consolidation : moins de symptômes, mais une grande vulnérabilité
C’est la phase où vous vous dites souvent “je vais mieux, mais je ne suis pas moi-même”. On y voit :
- plus de jours “supportables”,
- un peu plus d’énergie mais pas encore de vraie motivation,
- une grande sensibilité au stress, aux critiques, au manque de sommeil.
Ce que le traitement travaille généralement ici :
- stabiliser le sommeil et l’appétit,
- reprendre des activités graduées (marche, tâches simples, contact social tolérable),
- en TCC, travailler les pensées automatiques dépressives et les ruminations,
- commencer à identifier les schémas de vie qui ont favorisé l’effondrement (surinvestissement professionnel, perfectionnisme, traumatisme, etc.).
C’est une phase trompeuse : comme ça va “un peu mieux”, l’entourage et parfois vous-même voulez tout reprendre trop vite. C’est souvent à ce moment-là qu’une rechute survient si on arrête brutalement le traitement ou la thérapie.
Phase de rétablissement : reconstruire sa vie pour éviter de replonger
Le rétablissement, ce n’est pas seulement “ne plus être déprimé”. C’est :
- retrouver une capacité de plaisir (même fragile),
- se sentir à nouveau capable de projet, même à petite dose,
- réaménager sa vie (rythme, relations, limites) pour ne pas recréer les mêmes conditions.
Dans cette phase, le travail psychothérapeutique (TCC, mais aussi thérapies centrées sur les émotions, thérapie interpersonnelle, etc.) prend toute sa force :
- on travaille les schémas profonds (“je ne vaux rien”, “si je ralentis je suis nul”, etc.),
- on consolide des habitudes protectrices (sommeil, activité physique, liens sociaux sécures),
- on construit un plan de prévention des rechutes.
Pourquoi certaines dépressions sévères durent des années ?
Quand vous entendez “ça fait 5 ans que je suis en dépression”, il y a souvent derrière :
- une dépression chronique jamais vraiment sortie de la phase aiguë,
- une succession d’épisodes rapprochés (dépression récidivante),
- ou une dépression résistante aux traitements standards.
Ce n’est pas parce que vous êtes “incurable”. C’est souvent parce qu’une partie du problème n’a pas été adressée (traumatisme non identifié, trouble associé, erreurs de diagnostic, environnement toxique persistant…).
Dépression résistante, chronique, récidivante : ce qui prolonge la durée
On parle souvent de :
- Dépression résistante : échec d’au moins deux essais d’antidépresseurs bien conduits (dose et durée suffisantes), parfois malgré une psychothérapie.
- Dépression chronique : symptômes dépressifs présents en continu pendant plus de 2 ans, sans vraie rémission.
- Dépression récidivante : plusieurs épisodes distincts, séparés par des périodes de rémission partielle ou complète.
Ces formes sont plus fréquentes lorsqu’il existe :
- un trouble de la personnalité associé,
- un trouble anxieux non traité,
- des traumatismes répétés (violences, abus),
- une grande précarité ou un environnement instable.
Facteurs qui rallongent la souffrance : isolement, déni, erreurs de traitement
Les facteurs qui allongent la durée ne sont pas toujours “internes” :
Isolement : plus vous êtes seul, plus les ruminations tournent en boucle, moins vous pouvez réguler vos émotions par le lien humain.
Déni ou minimisation : “c’est juste la fatigue”, “ça va passer” → retard de consultation, aggravation de la sévérité, augmentation du risque suicidaire.
Erreurs de traitement :
- antidépresseur arrêté dès les premières améliorations,
- Utiliser que des antidépresseurs naturels sans consulter un medecin
- psychothérapie débutée trop tard ou interrompue trop tôt,
- absence d’adaptation quand le traitement ne fonctionne pas assez.
Attentes irréalistes : croire qu’en 15 jours, tout doit être réglé. La déception entretient le désespoir.
À l’inverse, chaque décision de demander de l’aide, de parler, de réajuster le traitement est un facteur qui peut réduire la durée globale de l’épisode.
Ce qui peut vraiment raccourcir la durée d’une dépression sévère
Vous ne contrôlez pas tout, mais vous avez un pouvoir réel sur certains leviers qui raccourcissent la durée de la dépression sévère :
- consulter tôt,
- combiner les approches (médicament + psychothérapie + ajustements de vie),
- accepter une progression graduelle plutôt que d’attendre le miracle.
Consulter tôt (et ne pas attendre “d’aller mieux tout seul”)
Les données sont claires : plus on attend, plus l’épisode risque de :
- se chroniciser,
- mettre le travail, le couple, la santé physique en difficulté,
- laisser une trace sur l’estime de soi (“je n’y arrive pas”, “je suis faible”).
Les signes qui justifient une consultation rapide :
- tristesse ou vide intérieur presque tous les jours depuis plus de 2 semaines,
- perte d’intérêt pour presque tout ce qui vous faisait plaisir,
- fatigue écrasante, gestes du quotidien difficiles,
- pensées de mort, idées suicidaires, même “floues”.
Premières portes d’entrée possibles :
- médecin généraliste (pour évaluer, prescrire, orienter),
- psychiatre (si symptômes sévères, risque suicidaire, besoin d’arrêt de travail),
- psychologue clinicien formé aux dépressions, notamment en TCC.
Combiner les approches : médicament, psychothérapie, ajustements du quotidien
Les recommandations internationales (HAS, NICE, APA) convergent : pour une dépression sévère, la combinaison d’antidépresseurs et de psychothérapie (en particulier TCC) est plus efficace que l’une ou l’autre seule.
Médicaments (antidépresseurs)
- Agissent sur les circuits de la sérotonine, noradrénaline, etc.
- Demandent souvent 2 à 4 semaines pour commencer à agir.
- Sont parfois nécessaires pour que vous ayez l’énergie de tirer parti de la thérapie.
Psychothérapies (en particulier TCC)
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) travaillent sur les pensées automatiques, les comportements d’évitement, les ruminations.
- Elles aident à construire des stratégies concrètes pour sortir des cercles vicieux.
- D’autres approches (thérapie interpersonnelle, thérapie des schémas, EMDR en cas de trauma) peuvent être pertinentes.
Hygiène de vie “réaliste”
- régulariser progressivement le sommeil,
- activité physique douce, très graduée,
- alimentation minimale mais régulière,
- limiter autant que possible alcool et drogues (qui aggravent la dépression).
Ce n’est pas une check-list à réussir parfaitement. C’est un ensemble de leviers dont vous pouvez activer quelques-uns, un peu, de façon répétée.
Peut-on s’en sortir seul d’une dépression sévère ?
Oui, certaines personnes racontent réussir à sortir seul d’une dépression sévère “seules”. Mais ce récit oublie souvent des choses : un médecin qui a prescrit un traitement, un proche très présent, une pause professionnelle, etc.
Vous n’êtes pas obligé de tout faire seul. Et, dans les formes sévères, essayer de s’en sortir sans aucune aide peut rallonger la durée et augmenter les risques.
Ce qui est réaliste… et ce qui ne l’est pas
Ce qui est réaliste en étant seul :
- reconnaître que quelque chose ne va pas,
- faire un premier pas : prendre un rendez-vous, appeler un proche, une ligne d’écoute,
- mettre en place de tout petits gestes de survie (se laver, manger quelque chose, sortir 5 minutes).
Ce qui n’est pas réaliste dans une vraie dépression sévère :
- penser la “résoudre” uniquement par la force mentale,
- continuer à travailler comme si de rien n’était,
- attendre que “le moral revienne tout seul” sans rien changer.
Aucun soignant sérieux ne vous demandera d’être “fort”. On vous demandera surtout d’être un peu moins seul dans ce que vous traversez.
Le rôle de l’entourage : comment demander de l’aide sans se sentir “lourd”
Beaucoup de personnes déprimées pensent : “Je vais encore plomber l’ambiance”, “Ils ont leurs problèmes”. En réalité, la plupart des proches préfèrent qu’on leur dise clairement :
- “Je ne vais pas bien, j’ai besoin que tu viennes juste t’asseoir avec moi.”
- “Est-ce que tu peux m’aider à prendre ce rendez-vous ?”
- “J’ai du mal à manger, tu peux rester au téléphone pendant que je dîne ?”
Quelques repères pour demander de l’aide :
- soyez concret (une petite chose précise, pas “sauve-moi”),
- expliquez que c’est temporaire,
- dites-leur qu’ils peuvent aussi poser leurs limites (ça protège la relation).
Y a-t-il un “déclic” pour sortir d’une dépression sévère ?
On l’entend partout : “Il m’a fallu un déclic”. Le problème, c’est que cette idée glisse vite vers : “Si ça ne change pas, c’est que je n’ai pas eu le déclic” → donc “je ne veux pas vraiment m’en sortir”. C’est injuste et dangereux.
Pourquoi le fameux “déclic” est souvent un mythe dangereux
La dépression, par définition, diminue :
- l’élan,
- le plaisir,
- la motivation.
Attendre un “déclic intérieur” dans un trouble qui coupe justement l’élan, c’est comme attendre d’avoir de l’énergie pour brancher la batterie.
Les risques de cette croyance :
- culpabilisation (“si je n’ai pas de déclic, c’est que je suis faible”),
- passivité (“j’attends l’événement magique qui va tout changer”),
- retard de soins (“je demanderai de l’aide quand je me sentirai prêt”).
Ce qui ressemble à un déclic… mais est en fait un processus
Ce qu’on appelle “déclic pour sortir de la dépression” correspond souvent à :
- un moment de décision (“Je prends rendez-vous”, “J’en parle à mon médecin”),
- un événement (arrêt de travail, rupture, remarque d’un proche) qui pousse à se regarder plus lucidement,
- un changement progressif (“Je me rends compte que je pleure moins”, “Je supporte mieux les matinées”).
Tout ça n’est pas magique, ce sont les effets cumulés :
- des séances de thérapie,
- du traitement suivi,
- des micro-changements quotidiens,
- des soutiens autour de vous.
Exercices concrets pour commencer à sortir de la dépression (sans se mettre la pression)
Aucun exercice pour sortir de la dépression ne remplace un traitement pour une dépression sévère. Mais certains outils peuvent :
- réduire un peu la souffrance au quotidien,
- vous redonner une sensation de prise sur quelque chose,
- préparer le terrain pour la thérapie.
Exercice 1 : La micro-victoire quotidienne (pour remettre le corps en mouvement)
Objectif : sortir du “tout ou rien” (“soit je reprends le sport, soit je ne fais rien”) et réhabituer votre cerveau à l’idée que vous pouvez encore agir un peu.
- Choisissez une action ridiculement petite :
- marcher 3 minutes dans l’appartement,
- ouvrir la fenêtre et respirer 5 fois,
- prendre une douche tiède de 2 minutes,
- vous brosser les dents une fois dans la journée.
- Faites-la une fois par jour, de préférence au même moment.
- Notez-la quelque part (carnet, note de téléphone) : “Micro-victoire du jour : …”.
Le but n’est pas d’aimer ça. Le but est d’entraîner le cerveau à faire un tout petit mouvement malgré la lourdeur.
Exercice 2 : Le journal “sans filtre” de 5 minutes (pour alléger la tête)
Quand la dépression est là, les pensées tournent en boucle. Écrire sans chercher à bien faire peut créer un peu d’espace.
- Choisissez un moment de la journée (par exemple, le soir avant de dormir).
- Pendant 5 minutes, écrivez tout ce qui vient, sans censure, sans refaire les phrases.
- Vous pouvez jeter la feuille ensuite, ou la garder pour en parler plus tard avec un soignant.
Objectifs :
- faire sortir un peu de la pression mentale,
- vous rendre compte que vos pensées ne sont pas des faits,
- avoir une matière concrète pour le travail en TCC (ciblage des pensées automatiques).
Exercice 3 : Le rituel SOS pour les jours vraiment trop durs
Les jours où tout est noir, décidez à l’avance d’un plan minimal de survie. Par exemple :
- 1 action pour le corps : boire un verre d’eau, manger une biscotte, prendre une douche rapide.
- 1 action pour le lien : envoyer un message type “Aujourd’hui ça ne va pas, est-ce que je peux t’appeler 5 minutes ?”.
- 1 action pour la sécurité : si les idées suicidaires sont fortes, appeler :
- un proche de confiance,
- votre médecin,
- une ligne d’écoute, voire les urgences si le passage à l’acte est imminent.
Écrivez ce plan sur un papier ou dans votre téléphone les jours où ça va “un peu moins mal”, pour ne pas avoir à le construire dans la tempête.
Combien de temps pour “revivre normalement” après une dépression sévère ?
Il y a souvent deux questions différentes derrière :
- “Combien de temps avant de ne plus être en dépression sévère ?”
- “Combien de temps avant de me sentir à nouveau moi-même ?”
La première est souvent de l’ordre de quelques mois avec traitement. La deuxième peut prendre plusieurs mois à quelques années, selon votre histoire et ce qui a été bouleversé (travail, couple, santé, finances).
Reprise du travail, énergie, relations : des délais très variables (et c’est normal)
Quelques repères (très larges) observés en clinique :
- Arrêt de travail : souvent quelques semaines à quelques mois dans les formes sévères.
- Retour au travail : idéalement progressif (mi-temps thérapeutique, aménagements).
- Énergie : peut rester fluctuante longtemps ; être fatigué ne veut pas forcément dire “être encore dépressif”, mais il faut vérifier avec un professionnel.
- Relations : certaines se renforcent, d’autres se fissurent ; il est fréquent de mettre du temps à reprendre confiance socialement.
L’essentiel : ne pas prendre chaque baisse de régime comme une “rechute totale”. C’est souvent une oscillation normale dans un processus de rétablissement.
Comment mesurer vos vrais progrès autrement qu’en “tout ou rien”
La dépression pousse au raisonnement en tout ou rien : “Soit je vais bien, soit je suis un échec total”. Pour mesurer vos progrès de façon plus juste, vous pouvez :
- Observer :
- la fréquence des jours “très mauvais”,
- la durée des épisodes de désespoir,
- votre capacité à faire un peu malgré la fatigue.
- Noter chaque semaine :
- 1 chose que vous avez réussie à faire,
- 1 chose que vous supportez un peu mieux qu’avant,
- 1 chose qui reste très difficile (pour en parler en séance).
- Utiliser, avec votre soignant, des échelles standardisées (type questionnaires de dépression) pour suivre objectivement l’évolution.
Et maintenant : quelle est votre prochaine petite étape ?
Vous n’avez pas à régler aujourd’hui la question “combien de temps va durer ma dépression sévère au total ?”. Cette question est légitime, mais elle peut aussi paralyser.
Ce que vous pouvez faire, maintenant :
- Si vous n’êtes pas suivi : choisir un professionnel à contacter (médecin, psy) et noter précisément quand vous allez prendre rendez-vous.
- Si vous êtes déjà en traitement : vous demander s’il y a un point à dire franchement à votre soignant (par exemple : “Je pense encore à la mort”, “Je suis tenté d’arrêter le traitement”).
- Si vous êtes au bout : mettre en place votre rituel SOS pour la journée, même s’il ne ressemble qu’à “boire un verre d’eau et envoyer un message”.
Une dépression sévère est un trouble sérieux, reconnu, fréquent, étudié. Les données de l’Inserm, de la HAS, de l’OMS et des grandes instances de santé mentale convergent : il existe des traitements efficaces, et beaucoup de personnes se rétablissent, même après des épisodes longs et sévères. Vous n’avez pas choisi d’être là. En revanche, vous pouvez choisir une seule chose, aujourd’hui : ne pas rester seul avec ça et faire un pas, même minuscule, vers un soutien réel.