L’attachement anxieux est un ensemble de stratégies adaptatives et comportementales naturelles, qui ne représente pas une pathologie mais qui peut entraîner de la souffrance dans les relations : peur d’être abandonné, difficulté à faire confiance aux autres, dépendance, jalousie…
L’attachement anxieux est aussi un facteur de vulnérabilité aux pathologies psychologiques telles que la dépression ou l’anxiété.
Également appelé attachement ambivalent, c’est un style relationnel dit insécure, développé principalement durant l’enfance et qui influence la façon dont une personne se perçoit et vit ses relations (insatisfaction, besoin de proximité etc).
Cet article explore les caractéristiques de l’attachement anxieux et propose des pistes pour mieux le comprendre et parvenir à développer un style d’attachement plus sain.
Comprendre la théorie de l’attachement
L’attachement est une théorie du psychiatre John Bowlby, qui postule que les enfants naissent avec un ensemble de comportements innés ayant pour but de nouer des liens affectifs pour assurer sa survie. Ces comportements sont ensuite sélectionnés selon leur efficacité dans l’environnement de l’enfant.
Dès la naissance, l’enfant est social et se construit au moyen des relations avec les personnes significatives qui l’entourent. Il cherche donc à établir un lien sécurisant avec une figure d’attachement pour obtenir protection et réconfort.
Figure d’attachement : personne vers laquelle l’enfant se tournera en priorité en cas de danger.
Elle est déterminée par l’enfant vers 7 mois, et il développe ensuite une relation d’attachement spécifique à cette personne. Son choix peut se fixer sur toute personne ayant une interaction sociale durable avec lui et répondant à ses besoins de réconfort, bien qu’il s’agisse le plus souvent de la mère.
C’est la sensibilité avec laquelle cette personne répond aux besoins de l’enfant qui conditionne son type d’attachement.
Ce système débute dès la grossesse et s’établit durant les trois premières années de l’enfant. Il influencera ensuite les relations sociales tout au long de la vie, y compris les relations amoureuses. Un parent réactif et attentif favorise un attachement sécure, tandis qu’un parent imprévisible ou insensible contribue au développement d’un attachement insécure, comme l’attachement anxieux.
Votre expérience compte
Le système d’attachement est activé par tous les signaux de danger de l’environnement ou internes : fatigue, douleur, solitude, stimulus effrayant… Dans ces situations, l’enfant va utiliser plusieurs comportements tels que le sourire, les vocalisations, les pleurs pour obtenir l’attention et la proximité de sa figure d’attachement.
La figure d’attachement a alors pour rôle de fournir du réconfort à l’enfant afin qu’il retrouve un sentiment de sécurité. Une fois ce sentiment retrouvé, l’enfant peut poursuivre d’autres activités comme le jeu ou l’exploration. Il va ainsi pouvoir apprendre de son environnement et développer ses capacités. Si l’exploration est entravée par un niveau d’alarme constant, il y a beaucoup moins d’occasions d’apprendre, ce qui peut entraîner des retards.
Il existerait quatre types d’attachement selon cette théorie :
- Attachement sécure
- Attachement insécure anxieux/ambivalent
- Attachement insécure évitant
- Attachement désorganisé
Comprendre les causes et les mécanismes de l’attachement anxieux
Qu’est ce qui peut causer le développement d’un attachement anxieux ?
D’abord, rappelons que l’attachement anxieux est un ensemble de stratégies comportementales développées pendant l’enfance, et qui se retrouve ensuite à l’âge adulte. Il faut donc en chercher les sources dans la petite enfance.
– Comportements parentaux : parmi les facteurs les plus courants de développement d’un attachement anxieux, les relations avec les figures parentales sont en bonne place : elles sont déterminantes dans le développement du style d’attachement de l’enfant.
Dans le cas de l’attachement anxieux ambivalent, les demandes de l’enfant obtiennent des réponses parentales imprévisibles et incohérentes ; le parent peut réagir avec soutien et réceptivité à des moments et avec colère ou insensibilité à d’autres, et ce pour le même comportement. L’enfant ne parvient donc pas à déterminer ce qu’il doit faire pour garder sa figure d’attachement près de lui, ce qui augmente son anxiété.
De plus, ces interactions précoces permettent à l’enfant de former un modèle de soi et un modèle d’autrui. Ce sont des règles mentales sur le fonctionnement du monde qui peuvent se maintenir à l’âge adulte.
Par exemple, un enfant avec un attachement anxieux peut développer des croyances négatives telles que « Je ne suis pas digne d’amour » ou « Personne ne comprend mes besoins ». Il va donc avoir une image négative de lui-même et il percevra le monde comme dangereux.
– Type d’attachement parental : le style d’attachement parental est également un facteur de développement de l’attachement anxieux. Il est en partie transmis aux enfants, par le biais de facteurs génétiques (sensibilité au stress, prédispositions à l’anxiété) mais surtout par la répétition des schémas de comportement parentaux.
– Troubles psychologiques parentaux : la présence de dépression ou d’anxiété chez les parents peut mener au développement d’un attachement anxieux chez l’enfant, en raison des conséquences comportementales de ces troubles.
– Traumatismes dans l’enfance ou à l’âge adulte : les expériences traumatisantes peuvent impacter le style d’attachement. La perte d’un proche, l’abandon, la maltraitance ou la négligence favorisent le développement de la peur de l’abandon, de comportements nerveux et du besoin d’être rassuré. Il en va de même des expériences de relations sociales négatives, amoureuses ou non. Ces expériences peuvent entraîner le développement d’un attachement anxieux même si elles surviennent à l’âge adulte.
– Facteurs génétiques : la sensibilité au stress ou la prédisposition à l’anxiété peuvent être des facteurs facilitant le développement d’un attachement anxieux.
En résumé, toute expérience favorisant la sensation de ne pas être aimé ou d’être abandonné peut mener à ce style d’attachement, en donnant à l’enfant un sentiment d’insécurité.
Comprendre ces causes est un premier pas vers la compréhension des mécanismes mis en jeu dans l’attachement anxieux, et donc vers leur modification en vue de développer un type d’attachement plus sécure.
Reconnaître l’attachement anxieux
Le paradigme de la situation étrange
Mary Ainsworth a grandement contribué au développement de la théorie de l’attachement en proposant une procédure d’évaluation du type de l’attachement de l’enfant, la procédure de la “situation étrange”. Les enfants entre 12 et 18 mois sont laissés avec un parent et l’examinateur dans une pièce comprenant des jouets. Il est demandé au parent de sortir quelques minutes, puis de revenir. Le comportement de l’enfant est ainsi observé lors des séparations et des réunions avec son parent.
Les enfants avec un attachement de type anxieux ambivalent sont anxieux dès leur arrivée. Ils n’explorent pas leur environnement mais restent collés à leur parent et le sollicitent fortement. Lors de la séparation, ils manifestent une grande détresse et ils sont inconsolables quand le parent revient, allant parfois jusqu’à le repousser avec colère. Ces enfants sont donc ambivalents dans leur lien à leur parent, avec un grand besoin de leur présence et une absence d’apaisement lors de leur retour.
Les signes d’un attachement anxieux et influence sur les relations sociales
S’il se manifeste ainsi dans le paradigme de la situation étrange, l’attachement anxieux se présente différemment dans la vie quotidienne. Chez l’enfant, plusieurs signes sont caractéristiques :
- Absence de recherche de contact visuel
- Absence de recherche de réconfort
- Difficultés avec les contacts physiques
- Peu de plaisir dans les interactions avec les parents
- Demande constante d’attention
- Difficultés à se faire des amis malgré une grande sociabilité
- Rejet de l’interaction avec le parent
A l’âge adulte, ce type d’attachement peut avoir un impact important sur les émotions et les relations. Il s’exprime par la peur d’être abandonné, accompagnée d’une difficulté à faire confiance aux autres car l’individu a appris dans l’enfance que l’affection n’est pas toujours accessible.
Il est donc important de savoir repérer les signes suivants :
- Besoin constant d’être rassuré : recherche de validation, grande attention aux signes d’affection du partenaire, pensées négatives (“il me trompe”, “il ne s’intéresse plus à moi”, “il a mieux à faire qu’être avec moi”)…
- Problèmes de confiance en soi : image négative de soi et difficulté à accepter l’amour des autres, mise de l’autre sur un piédestal, certitude que c’est leur seule chance d’avoir une relation, pessimisme quant aux sentiments qu’ils inspirent…
- Hyper vigilance dans les relations : grande sensibilité aux signes de rejet et d’abandon, analyse des interactions pour chercher des signes de rejet, jalousie, peur de faire fuir les autres, colère quand l’autre s’investit dans d’autres relations…
- Peur de la séparation, de l’abandon : anxiété quand le partenaire est distant ou indisponible, anxiété de séparation, fort besoin de proximité, désir de fusion…
- Difficultés de gestion des émotions désagréables : intolérance à la critique, jalousie, peurs excessives…
- Comportements de dépendance : fort appui sur les partenaires, relations profondes et intenses, grand soin apporté aux autres, idéalisation des relations …
- Instabilité relationnelle : insatisfaction dans les relations, difficulté à faire confiance, conflits en raison de la peur de l’abandon, ignorance des signes de difficulté…
- Comportements anxieux : compte les points, manipulation, essaie de rendre l’autre jaloux, menace de partir, hostilité, colère et rancœur peu exprimées de peur d’être rejeté…
Les personnes avec ce type d’attachement présentent donc des pensées et des comportements diversifiés, parfois contradictoires, ambivalents. Leur comportement oscille entre la mise en doute de leur partenaire et la dépendance, ce qui a tendance à mener à la prise de distance du partenaire par rapport à eux.
Ces signes peuvent toutefois être différents dans leur intensité selon les personnes ou le contexte.
Comment surmonter l’Attachement Anxieux ?
Vous avez repéré plusieurs signes d’un attachement anxieux chez vous ou chez un proche, et vous vous demandez si vous pouvez améliorer la situation ? Et bien oui !
L’attachement sécure est programmé au sein de chaque individu, il est donc possible de le développer à tout âge. Toutefois, surmonter l’attachement anxieux peut s’avérer difficile, car cela implique de remettre en question sa façon de penser et ses comportements. Cela se fait progressivement, en développant des schémas d’attachement plus sains basés sur la sécurité et en travaillant sur soi-même.
Plusieurs stratégies peuvent être employées pour cela :
- Auto-observation : Déterminer et comprendre les schémas d’attachement développés dans l’enfance est fondamental pour pouvoir les modifier. Il faut pour cela développer la conscience de soi et de son fonctionnement mental.
- Auto compassion : se laisser le temps de comprendre son fonctionnement et être tolérant envers ses difficultés est essentiel. L’individu avec un attachement anxieux pourra ainsi se distancer progressivement de ses peurs, sans se mettre en difficulté.
- Développer l’estime de soi : Travailler sur l’estime de soi est un élément important du processus de modification du style d’attachement : cela permet de réduire le besoin de validation et la peur de ne pas être à la hauteur des autres. Des exercices pratiques comme la gratitude ou l’affirmation de soi peuvent renforcer l’image que l’on a de soi-même.
- Pratiquer la pleine conscience : la pleine conscience, ou “mindfulness”, est utilisée pour mieux gérer les émotions difficiles en permettant à l’individu d’être plus ancré dans l’instant présent. Cela permet de réduire les pensées anxieuses.
- Développer la communication et des relations saines : entretenir des relations qui fournissent une sécurité constante peut aider les individus à modifier leurs modèles mentaux et donc leur style d’attachement. Le simple fait d’être en couple avec une personne au style d’attachement sécure permet d’en développer également un.
Il est important pour ces personnes en particulier de communiquer avec leurs partenaires pour établir des limites dans la relation et réduire les angoisses d’abandon. Communiquer ses craintes et ses sentiments peut permettre au partenaire de comprendre la situation. Le couple pourra ainsi développer des stratégies permettant la réassurance sans frustration ou friction.
Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) : la thérapie aide à remettre en question les croyances négatives sur soi et sur les autres qui sous-tendent l’attachement anxieux. Le thérapeute va guider la personne dans le développement de nouvelles stratégies et de mécanismes d’adaptation moins rigides, afin de développer des relations plus sécures. Ainsi, l’accompagnement thérapeutique permet de comprendre les mécanismes de son style d’attachement pour mieux les modifier et améliorer son bien-être personnel et relationnel.
Conclusion
L’attachement anxieux se développe donc dans l’enfance suivant plusieurs facteurs, dont le principal est l’interaction avec la figure d’attachement principale. Il est formé de schémas et de stratégies de comportement rigides, qui ne permettent pas le sentiment de sécurité et favorisent les troubles psychologiques. Il s’accompagne d’un manque d’estime de soi, d’une grande peur de l’abandon, d’un besoin de validation excessif entraînant du mal-être et des difficultés relationnelles importantes.
Comprendre et reconnaître les schémas anxieux est donc essentiel pour pouvoir appréhender le fonctionnement de ce style d’attachement. Prendre conscience de ces mécanismes et les comprendre permet ainsi de les modifier pour parvenir à un style d’attachement sécure – et à une meilleure qualité de vie.
Ce travail sur soi nécessite du temps et des efforts. L’aide d’un psychologue formé aux Thérapies Cognitivo Comportementales permet un soutien et un accompagnement dans ce processus pour aborder plus sereinement ce changement.
Bibliographie :
DUGRAVIER, R, & BARBEY-MINTZ, A (2015). Origines et concepts de la théorie de l’attachement. Enfances & Psy, 2015/2 N° 66. pp. 14-22. https://doi.org/10.3917/ep.066.0014.
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Ainsworth, M.D.S. et al. (1978). Patterns of Attachment: A Psychological Study of the Strange Situation.
Fraley, R. C. & Shaver, P. R. (2000). Adult romantic attachment: Theoretical developments, emerging controversies, and unanswered questions. Review of General Psychology, 4, 132-154.
Mikulincer, M. & Shaver, P. R. (2007). Attachment in Adulthood: Structure, Dynamics, and Change. Guilford Press.
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