Vos relations amoureuses sont tumultueuses ? En couple, vous oscillez entre le chaud et le froid ? Votre partenaire vous reproche de ne pas savoir ce que vous voulez ? Entre conflits et élans passionnés, vous vivez les montagnes russes émotionnelles ?
Peut-être rencontrez-vous un type d’attachement qui vous freine dans la construction de relations saines et durables.
Notre manière d’être en relation avec les autres dépend du style d’attachement que nous avons construit au cours de notre enfance. Il se reflète plus tard dans les liens amoureux, familiaux et amicaux où les sentiments affectifs entrent en jeu. Lorsque les relations font souffrir, comprendre son type d’attachement est indispensable pour en déjouer les pièges.
Vous avez la sensation de vivre inlassablement des schémas répétitifs et vos relations sont marquées par l’instabilité ? Il se peut que vous deviez nager au quotidien au travers des remous d’un attachement désorganisé.
Qu’est-ce que l’attachement désorganisé ?
L’attachement désorganisé s’ancre plus généralement dans la théorie de l’attachement mise au jour en premier lieu par John Bowlby en 1958. Il met en lumière l’importance du lien affectif entre la mère et l’enfant comme besoin primaire nécessaire à la survie de l’espèce.
Plus tard à la fin des années 1970, Mary Ainsworth développera une expérience appelée « Situation étrange » qui lui permettra d’observer 3 types d’attachements distincts chez l’enfant, à savoir :
- L’attachement sécure : confiance et sécurité affective
- L’attachement insécure – anxieux ou ambivalent : peur de l’abandon
- L’attachement insécure – évitant : indisponibilité émotionnelle
Ce n’est que dans les années 1980 que Mary Main et Judith Solomon ajouteront une quatrième catégorie, l’attachement insécure désorganisé qui s’observe dans l’alternance de comportements caractéristiques des attachements anxieux et évitant.
L’adulte présentant un attachement désorganisé est constamment tiraillé entre deux instincts contradictoires. D’un côté, il désire être aimé et peut avoir des attentes démesurées, et de l’autre, il croit devoir se protéger et a besoin de se réfugier dans la solitude. Entre profonde dépendance et désir d’indépendance, entre attirance et rejet, ses réactions sont imprévisibles, excessives et épuisantes pour son partenaire et lui-même.
Comment se développe l’attachement désorganisé ?
Dans une grande majorité des cas, nous avons tendance à reproduire dans nos relations adultes le type d’attachement que nous avions enfant, envers nos parents ou tuteurs.
Les figures d’attachement principales de l’enfant jouent ainsi un rôle primordial dès les premières années de vie dans la manière dont il va gérer ses relations.
Votre expérience compte
La construction d’un attachement désorganisé peut résulter de plusieurs facteurs. Toutefois, il est toujours associé à une perte de confiance envers une figure parentale devenue à la fois source de réconfort et de peur. Cette relation ambivalente est alors marquée par le stress, la tristesse et la méfiance, en lien avec les réactions imprévisibles dont l’enfant a été le témoin.
Plus tard, ces émotions et enjeux vont se rejouer de manière cyclique dans les relations, comme pour venir appuyer le schéma selon lequel on peut être blessé par la personne qu’on aime, qui devient ainsi une menace.
Voici quelques unes des causes possibles de la construction d’un attachement désorganisé :
Cause n°1 Des besoins négligés
Dans les premières années de vie, le jeune enfant se trouve dépendant de ses figures parentales pour répondre à ses besoins primaires. En plus de subvenir aux besoins purement physiologiques, combler les besoins affectifs est tout aussi nécessaire au développement normal de l’enfant.
On observe souvent, dans le cas d’un attachement désorganisé, une négligence affective à travers le manque d’attention accordée à l’enfant et la négation de ses émotions.
Dans ce cas, l’enfant va intégrer l’idée que ses besoins ne sont pas importants pour les autres et qu’il doit faire sa place pour obtenir de l’attention.
Cause n°2 Des abus et maltraitances
Les abus verbaux et émotionnels, comme le fait d’être puni de façon démesurée ou injuste, les remontrances répétées et sans fondement et les remarques désobligeantes vont progressivement altérer l’estime de soi de l’enfant. Cela va aussi avoir pour résultat de rendre délétères les liens avec les figures d’attachement.
De manière plus directe, les abus physiques, comme la privation de liberté et la violence, ainsi que les agressions sexuelles, de la part de proches comme d’inconnus, ont aussi un impact significatif sur la confiance qu’un enfant sera en mesure d’accorder aux autres.
Cause n°3 Des évènements traumatiques
Des évènements de vie impactants peuvent aussi survenir dans la jeune vie de l’enfant. Un accident, une maladie grave de l’enfant ou du parent, un décès ou l’observation d’une situation bouleversante, sont autant de traumatismes qui peuvent affecter l’enfant à long terme.
La perte de repères induites par ces situations, parfois l’inversion des rôles lorsque l’enfant se met en posture de réconfort, le sentiment d’abandon et la peine peuvent venir se mettre en travers du processus d’attachement.
Cause n°4 Des environnements instables
Pour se développer en confiance, l’enfant a besoin d’une certaine stabilité pour pouvoir affronter les changements avec sérénité. Or, lorsqu’il y a séparation brutale d’avec une figure d’attachement (décès, divorce, placement, adoption, etc.), l’enfant est souvent amené à ressentir un sentiment d’abandon et d’impuissance. A ce moment là, il peut penser mériter ce qui lui arrive, venant ainsi abîmer l’estime de soi et la perception des relations d’attachement.
A noter également que les évènements qui semblent plus insignifiants, comme les modifications fréquentes des personnes de garde ou les déménagements répétés, peuvent aussi compter parmi les facteurs de risque de détérioration des liens de confiance lorsque l’enfant n’est pas suffisamment accompagné.
Cause n°5 Des figures d’attachement inconstantes et imprévisibles
De multiples raisons peuvent expliquer qu’une figure d’attachement ne soit pas en capacité d’assurer un soutien affectif à l’enfant de manière saine. Parmi elles, sa santé mentale et son état émotionnel peuvent avoir un impact significatif sur la relation avec l’enfant. La dépression, les troubles anxieux et les maladies mentales limitent parfois l’accès aux ressources nécessaires pour porter attention et répondre aux besoins de l’enfant.
Figurent aussi parmi les freins à l’attachement sécure les conduites addictives, qui modifient la perception de la réalité et limitent la capacité à répondre aux besoins de manière appropriée.
Une extrême jeunesse, le manque d’expérience et de soutien et les traumatismes non résolus peuvent aussi expliquer en partie la moindre disponibilité émotionnelle de la figure parentale.
L’attachement désorganisé est souvent le résultat de plusieurs facteurs qui sont venus détériorer la confiance de l’enfant dans les personnes qui sont censées l’aimer et prendre soin de lui. Il fait donc face à un dilemme constant entre s’en rapprocher ou s’en protéger.
Les signes chez l’enfant
Les relations d’attachement instables ou traumatisantes conduisent les enfants à devoir adopter des stratégies pour pallier à l’imprévisibilité de leur environnement et ainsi réguler leurs émotions négatives.
Deux stratégies de contrôle ont été observées qui renversent les rôles parent-enfant :
- Le « Contrôle Punitif » dans lequel l’enfant pourra se montrer hostile et dégradant, voire agressif, envers la figure parentale. Il peut aussi se montrer très directif. Ce mode de réaction est aussi marqué par des émotions intenses et instables dont les réactions sont difficilement régulées (pleurs, cris, comportements inadaptés, etc.).
- Le « Contrôle Attentionné » dans lequel l’enfant aura davantage tendance à vouloir divertir et réconforter le parent. Dans ce cas, l’enfant porte une attention démesurée aux besoins des autres, pouvant aller jusqu’à négliger les leurs.
Dans un cas comme dans l’autre, la détresse de l’enfant se lit dans le fait qu’il s’octroie un rôle important, reflétant son profond besoin d’attention.
Les signes chez l’adulte
Chaotique ! Tel est le mot qui caractérise les relations empreintes d’un attachement désorganisé. Voici quelques signes du conflit intérieur qui se joue, entre besoin d’amour et peur de l’autre :
- Il vous est difficile d’accorder votre confiance. Vous vous méfiez des autres, mais êtes attiré-e par les individus qui vont finalement venir confirmer vos croyances sur le fait qu’on ne peut faire confiance à personne.
- Vous vivez constamment avec la peur du rejet et de l’abandon. Vous pouvez réagir de manière agressive lorsque vous imaginez être trompé-e ou trahi-e. On vous qualifie d’exigeant-e, égoïste ou insensible.
- Vos émotions sont décuplées, intenses et imprévisibles. Votre partenaire ne comprend pas vos réactions car vous avez des difficultés à vous exprimer. Vous pouvez aussi présenter des conduites à risque comme des addictions (alcool, drogues, médicaments, etc.) et des comportements autodestructeurs pour tenter de réguler vos émotions négatives.
- Vos sentiments amoureux peuvent changer du tout au tout. Vous êtes dans l’alternance constante entre l’affection profonde et le rejet de l’autre.
- Vous êtes dans l’excès, il n’y a pas de demi-mesure. Trop confiant-e ou trop pessimiste, trop impliqué-e ou trop détaché-e dans la relation, votre partenaire a du mal à vous suivre.
- Vos comportements sont contradictoires. Vous pouvez avoir un très fort besoin de proximité avec l’être aimé mais pouvez dans le même temps vous montrer distant-e et blessant-e.
- Vous souffrez d’une faible estime de soi, de dépression et / ou d’anxiété. Vous n’avez pas conscience de votre valeur et vous dirigez quelques fois vers des personnes incapables de vous apporter du soutien.
Les comportements, émotions et réactions d’un attachement désorganisé peuvent être très désorientants et douloureux pour les deux partenaires, pouvant aller jusqu’à la rupture.
Des impacts à long terme
Si vous faites face à un attachement désorganisé, il est fort à parier qu’il soit très difficile pour vous de construire et maintenir des relations stables. Les comportements contradictoires et les émotions excessives et imprévisibles affectent la confiance que votre partenaire parvient à vous accorder. Ainsi, le schéma de rejet et d’abandon est susceptible de se reproduire.
A terme, vous pouvez ressentir une solitude pesante et la sensation d’être incompris-e et inadapté-e. Les personnes présentant ce type d’attachement sont donc plus enclines à souffrir de troubles mentaux. En effet, la dépression, les troubles de l’anxiété et le trouble du stress post-traumatique ne sont pas rares dans ce cas. Ils sont parfois associés à des risques liés à des conduites addictives et des pensées suicidaires qu’il ne faut surtout pas minimiser ni ignorer.
Des solutions possibles
Si vous pensez présenter un attachement désorganisé, commencez par identifier les comportements qui y sont liés. Pour cela, vous pouvez vous appuyer sur vos propres observations et celles de votre entourage proche.
Vous pouvez également analyser les schémas qui ont tendance à se reproduire dans vos relations. Il y a-t-il des étapes clés qui font basculer la relation ? Quels sont les déclencheurs de vos émotions et comment y réagissez-vous ?
Même s’il vous est particulièrement difficile d’accorder votre confiance, ne fuyez pas systématiquement les relations. Il n’y a pas de relation sans prise de risque mais il ne peut pas non plus y en avoir sans confiance et intimité. Il faut savoir que notre style d’attachement se modifie aussi au travers de nos expériences, privilégiez ainsi au maximum les relations et environnements sécurisants.
S’il peut y avoir une forte résistance de votre part à demander de l’aide, il n’en demeure pas moins que des approches thérapeutiques ont fait leur preuve en matière d’attachement.
L’EMDR (Eye Movement Desensitization Processing) peut par exemple vous aider à traiter les traumatismes issus de l’enfance et qui sont responsables de votre d’attachement désorganisé.
Les TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales) peuvent vous permettre d’apprendre à mettre en place des comportements plus adaptés aux situations, en adéquation avec vos émotions.
Quand cela est possible, et pour les enfants, une approche systémique familiale peut venir en aide à chacun des membres de la famille pour nouer ou renouer des liens relationnels sécurisants.
Les thérapies basées sur l’attachement peuvent également permettre un travail de construction de relations sécures et de régulation des émotions.
Que ce soit seul-e ou accompagné-e, engager un travail sur l’estime de soi est toujours nécessaire pour sortir des schémas répétitifs. Oser se défaire des attachements insecures demande de reconnaître votre valeur, vos qualités et vos ressources pour admettre que vous méritez des relations équilibrées et durables.
En conclusion
Les excès et l’imprévisibilité des émotions et des comportements dûs à un attachement désorganisé rendent chaotique la construction et le maintien des liens à long terme. Comment s’engager et se projeter avec une personne aussi changeante et déroutante ?
Le travail sur soi est indispensable pour comprendre d’où provient la source de cet attachement (traumatismes, comportements inadaptés du parent, etc.) et réparer l’estime de soi. La thérapie, en engageant une relation d’aide et de confiance, peut répondre à ces objectifs et se révèle particulièrement pertinente pour jeter les bases de relations saines et durables.
Si vous vous retrouvez dans le fonctionnement de l’attachement désorganisé, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel qui saura vous aiguiller vers l’aide la plus adaptée.
Références :
Wiart, Y. (2011). L’attachement, un instinct oublié. Albin Michel.
Liébert, P. (2015). Quand la relation parentale est rompue. Dunod.
Main, M. & Solomon, J. (1986). Discovery of an insecure-disorganized/disoriented attachment pattern. In B. Brazelton & M. W. Yogman (Eds.), Affective development in infancy (pp. 95-124). Alex Publishing.
Lyons-Ruth, K., & Jacobvitz, D. (2008). Attachment disorganization: Genetic factors, parenting contexts, and developmental transformation from infancy to adulthood. In J. Cassidy & P. R. Shaver (Eds.), Handbook of attachment: Theory, research, and clinical applications (2nd ed., pp. 666–697). The Guilford Press.
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